Le secteur du service toujours aussi porteur au Pays Basque

Découvrez comment repenser le secteur du service au Pays Basque à travers le prisme de l'ESS : performance sociale, inégalités territoriales, fragilité du tissu économique français face à l'industrie basque espagnole et enjeux écologiques du tourisme.

VEILLE ECONOMIQUE

Lydie GOYENETCHE

7/11/20243 min lire

ESS et Pays Basque KABIA
ESS et Pays Basque KABIA

Repenser le secteur des services : performance sociale, inégalités et dynamiques territoriales

Le secteur des services est souvent perçu comme une vitrine de modernité économique. Avec plus de 76 % du PIB français issu de cette sphère, il constitue sans doute le cœur battant de l'activité nationale. Pourtant, derrière cette force apparente se cachent des tensions profondes, des inégalités structurelles et des modèles sociaux en quête de sens. L'économie sociale et solidaire (ESS) apporte ici une grille de lecture essentielle : utilité sociale, ancrage territorial, gouvernance partagée. Il s'agit de ne plus seulement penser en termes de croissance, mais en termes de performance sociale durable.

En France, le secteur des services se décline en plusieurs sous-ensembles : les services aux entreprises (conseil, recherche, ingénierie, nettoyage, ressources humaines), les services aux particuliers (restauration, hôtellerie, culture), les services financiers, de santé, ainsi que les activités sociales et associatives. Il concerne environ 35 % des emplois dans le pays. Mais cette moyenne nationale masque des disparités territoriales fortes.

Une lecture sociale du secteur : inégalités invisibles et limites du modèle productif

Les services aux personnes représentent un volume d'emplois massif, mais souvent invisibilisé et peu valorisé : aides à domicile, ATSEM, auxiliaires de vie, agents de ménage, etc. Majoritairement féminins, ces métiers sont peu rémunérés, fragmentés et peu considérés. On parle souvent d'emplois « de lien », essentiels au bon fonctionnement de la société, mais oubliés dans les politiques publiques. Le secteur de la santé, lui, subit les tensions d'une organisation à flux tendu, entre rentabilité privée et sous-financement public. De même, l'éducation populaire et la culture, longtemps piliers d'une dynamique sociale inclusive, font face à une précarisation croissante.

C'est dans ce contexte que l'ESS propose des alternatives : SCOP, SCIC, mutuelles, associations d'insertion, ressourceries... Ces modèles non lucratifs réinvestissent les marges de l'économie dominante avec des indicateurs de réussite fondés sur l'utilité sociale, la gouvernance partagée, le respect des ressources humaines et naturelles.

Focus sur le Pays Basque français : fragilités, résiliences et enjeux sociaux

Au Pays Basque nord (français), le secteur des services occupe une place prépondérante, avec 57 % des emplois locaux. L'industrie y est historiquement faible, même si certains territoires comme la Soule accueillent de petites unités. Le tissu économique est dominé par les TPE, les associations et les structures de l'économie présentielle. Le revenu moyen par habitant dans le département des Pyrénées-Atlantiques était d'environ 21 000 euros annuels en 2022, avec des disparités fortes entre la côte et l'intérieur.

Par contraste, le Pays Basque sud (espagnol), et notamment les provinces de Biscaye et du Guipuscoa, bénéficient d'une base industrielle solide. Le revenu moyen par habitant y est plus élevé : environ 29 000 euros pour le Guipuscoa en 2022 (source : Eustat). Le tissu coopératif y est puissamment structuré, notamment autour du groupe Mondragón. Cette organisation systémique permet une meilleure redistribution de la richesse, un ancrage territorial fort et une plus grande stabilité face aux crises.

Au nord, la fragilité économique se double d'une pression foncière accrue et d'une dépendance forte au tourisme. La saison estivale concentre une part majeure de l'activité, génère des emplois courts, peu qualifiés, souvent en inadéquation avec une vie familiale, et contribue à la saturation des infrastructures. Cette dépendance touristique soulève des questions écologiques majeures : impact carbone des déplacements, pressions sur la ressource en eau, surfréquentation des espaces naturels, difficultés de logement pour les résidents permanents.

Certaines structures locales tentent de proposer un modèle plus durable : coopératives agricoles IDOKI, tiers-lieux à gouvernance partagée, circuits courts portés par des associations de quartier. Mais ces initiatives restent encore marginales face à la puissance du marché immobilier et touristique. Il est nécessaire de repenser l'équilibre entre activité économique, justice sociale et sobriété écologique.

Vers une performance sociale mesurable

La performance économique ne peut plus être déconnectée de ses impacts sociaux et environnementaux. Il devient urgent de développer des indicateurs de performance sociale, prenant en compte l'utilité créée pour le territoire, la qualité des emplois, le respect des droits sociaux, la réduction des inégalités et la capacité à réduire l'empreinte carbone. L'ESS, par ses pratiques et ses principes, offre une boussole utile pour orienter la transformation du secteur des services.

Ce secteur, vaste et diversifié, ne doit plus être pensé uniquement comme un levier de croissance, mais comme un espace de transformation sociale. C'est à cette condition qu'il pourra jouer pleinement son rôle dans les mutations écologiques et sociétales en cours.