Inclusion neurodivergente : quand les entreprises investissent dans l’humain et le handicap

Découvrez comment des entreprises comme Microsoft, SAP ou EY transforment l'inclusion des neurodivergents en levier stratégique pour attirer des talents uniques, valoriser leur image de marque et répondre aux attentes éthiques des consommateurs.

VEILLE SOCIALE

Lydie GOYENETCHE

8/3/20245 min lire

accompagnement rse
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Quand l’argent parle : les dys, les TDA/H et les trous dans le budget - une réflexion RSE

On vous prévient tout de suite : cet article risque de piquer un peu. Mais c’est pour la bonne cause. Aujourd’hui, on s’attaque à une inégalité sociale qui passe souvent sous le radar : pourquoi les troubles dys, le TDA et le TDAH restent-ils le parent pauvre des remboursements de santé, alors que d’autres prises en charge sont couvertes à 100 % par la Sécurité sociale ? Spoiler : ça coûte trop cher. Mais ce constat soulève une question plus large : quel rôle les entreprises peuvent-elles jouer pour réduire ces inégalités tout en en tirant parti ?

Marie, maman d’un enfant dys : “500 € pour un papier, et encore, c’est moi qui le paie !”

Prenons Marie. Son fils Jules est dyspraxique. Pour qu’il puisse bénéficier d’aménagements scolaires et d’une reconnaissance RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé) — oui, parce que dans dix ans, Jules devra bosser, comme tout le monde —, elle doit réaliser un bilan neuropsychologique. Prix de la facture : 450 euros. Et encore, c’est une offre à prix cassé. Marie n’a pas droit au remboursement, ni par la Sécurité sociale, ni par sa mutuelle.

À ce stade, le message est clair : “Si tu veux que ton fils soit reconnu pour ce qu’il est, paye. Sinon, tant pis pour lui.” Pratique. Pourtant, une entreprise sensibilisée à ces enjeux pourrait proposer une aide à ses collaborateurs parents d’enfants en situation de handicap. Elle pourrait aussi valoriser les compétences spécifiques de futurs collaborateurs neuroatypiques, comme Jules. Bon en vrai au CMPP c'est gratuit mais il faut s'armer de patience le temps d'attente est long.

Quand 0,09 % coûte moins cher que 10 %

En face, on trouve Jeanne, qui, elle, est concernée par le trouble de l’identité de genre. Depuis 2010, les frais liés à son parcours médical sont 100 % pris en charge par la Sécurité sociale. Intervention chirurgicale, traitements hormonaux… tout est couvert. Une victoire, certes, pour les 0,02 % à 0,09 % de la population française concernée. Mais comparons : d’un côté, une prise en charge ponctuelle avec des coûts limités dans le temps ; de l’autre, un handicap invisible qui dure toute la vie et exige un suivi coordonné entre orthophonistes, psychologues, psychiatres, et parfois même des ergothérapeutes.

Alors pourquoi cette différence de traitement ? Simple : économiquement, c’est plus facile de couvrir les frais d’un pourcentage infime de la population que de se lancer dans un remboursement massif pour les 8 à 10 % de Français concernés par des troubles cognitifs. Quand il s’agit de dys et de TDA/H, on ferme les robinets : pas question de noyer la Sécu.

Quel rôle pour les entreprises dans ce contexte ?

Le constat est clair : le système public peine à couvrir les besoins des personnes concernées par des handicaps invisibles. Mais les entreprises, elles, ont l’opportunité de prendre le relais. Voici pourquoi elles ont tout intérêt à s’investir :

  1. Une image de marque valorisée : En prenant des initiatives pour soutenir les collaborateurs neuroatypiques, une entreprise montre qu’elle est engagée dans des causes sociales. Cela séduit de plus en plus de consommateurs, sensibles à l’éthique et à la justice sociale.

  2. Attirer des talents rares et précieux : Les personnes neuroatypiques possèdent souvent des compétences uniques : créativité, pensée hors des cadres, capacité à résoudre des problèmes complexes. Investir dans leur inclusion, c’est s’assurer de recruter des talents exceptionnels.

  3. Renforcer la cohésion interne : Une politique inclusive améliore le climat de travail. Les salariés se sentent fiers de travailler pour une entreprise humaine, ce qui booste la fidélisation et la productivité.

  4. Répondre aux attentes sociales croissantes : Les jeunes générations, aussi bien en tant que consommateurs qu’employés, attendent des entreprises qu’elles soient plus humaines et engagées dans des causes sociétales.

Des exemples concrets d’entreprises engagées dans l’inclusion neurodiverse

Certaines entreprises se démarquent par leurs efforts en faveur de l’inclusion et de la valorisation des talents neuroatypiques. Voici des cas concrets :

  • Microsoft : Le programme "Autism Hiring Program" lancé par Microsoft a permis de recruter des talents exceptionnels dans le domaine de l’analyse de données, du codage et de la résolution de problèmes complexes. Cette initiative a non seulement enrichi les équipes, mais a également renforcé l’image de Microsoft en tant qu’entreprise innovante et inclusive.

  • SAP : L’entreprise technologique SAP a créé le programme "Autism at Work", qui vise à intégrer des personnes autistes dans différents postes. SAP affirme que ces collaborateurs apportent des compétences pointues et des perspectives uniques qui améliorent l’efficacité et l’innovation de l’entreprise. Depuis le lancement, le programme a été étendu à plusieurs pays.

  • Ernst & Young (EY) : EY a mis en place des initiatives spécifiques pour recruter des personnes avec des profils neurodivergents. Ces talents contribuent à des projets complexes, notamment dans la gestion de données et l’analyse de risques, et renforcent l’image de marque d’EY auprès de ses clients.

  • Thales : En France, Thales a collaboré avec des associations pour intégrer des salariés neurodivergents sur des projets technologiques sensibles, démontrant que l’inclusion n’est pas seulement éthique, mais aussi stratégique.

Paul, 34 ans, TDA détecté tardivement : “On m’a dit de me débrouiller”

Paul, lui, a toujours été le “tête en l’air” de la famille. Enfant, on le disait “distrait”, ado, “impossible à cadrer”. À 34 ans, il découvre enfin qu’il est TDA (trouble du déficit de l’attention). Son psy lui conseille de demander la RQTH pour pouvoir bénéficier d’aménagements sur son poste de travail. Mais problème : la MDPH exige un diagnostic validé par un neuropsychologue. Nouveau passage à la caisse : 350 €.

Paul n’a pas les moyens. Il fait l’impasse. Résultat : pas de RQTH, pas d’aménagements, et un quotidien au bureau qui ressemble à un parcours d’obstacles, avec comme lot quotidien des “T’es sûr que t’as tout compris ?” de ses collègues. Pas de traitement par Rétaline possible car le psychiatre ne sera pas remboursé sans le parcours coordonné via le dossier MDPH.

Dans une entreprise engagée en RSE, Paul aurait pu accéder à une aide pour financer son diagnostic et bénéficier d’aménagements simples mais efficaces. Une solution gagnant-gagnant qui valorise l’employé tout en améliorant sa performance. Et qui montre que l’entreprise sait tirer parti des compétences d’un salarié atypique.

Et demain, on fait quoi ?

Alors, que faire ? Les entreprises ont une carte importante à jouer dans ce domaine. D'autant qu'il reste beaucoup à faire encore pour arriver aux 6% de  travailleurs en situation de handicap dans les entreprises pour ne pas payer l'amende AGEFIPH. Voici quelques actions concrètes qui s’inscrivent dans une stratégie RSE efficace :

  • Mettre en place un fonds d’aide : Créer une enveloppe budgétaire spécifique pour soutenir les collaborateurs ayant besoin de diagnostics ou de soins non remboursés.

  • Sensibiliser et former : Investir dans des programmes de sensibilisation pour tous les salariés, et plus particulièrement les managers, afin de créer un environnement de travail inclusif.

  • Collaborer avec des associations : Nouer des partenariats avec des associations spécialisées dans les handicaps invisibles pour bénéficier de leur expertise.

  • Mettre en avant les compétences des neuroatypiques : Promouvoir les qualités spécifiques des collaborateurs dys ou TDA/H pour montrer qu’ils sont des atouts, et non des contraintes.

  • Mesurer l’impact : Développer des indicateurs pour évaluer l’efficacité des mesures inclusives mises en place et leur impact sur le bien-être et la performance des salariés.

En intégrant ces actions, les entreprises ne réduisent pas seulement les inégalités. Elles valorisent leur capital humain, renforcent leur image de marque, attirent des talents précieux et répondent aux attentes d’une société en quête d’éthique. Parce qu’au final, investir dans l’humain, ça rapporte toujours.