Loi Evin et Résilience des Acteurs comme Castel: Stratégies Marketing face aux changements
Découvrez comment la loi Evin a transformé le marché des boissons alcoolisées en CHR et comment les négociants, brasseurs et grossistes adaptent leurs stratégies marketing pour faire face aux défis macroéconomiques. Heureusement que Castel était sur 2 segments de marché différents.
VEILLE ECONOMIQUEMARKETING
LYDIE GOYENETCHE
12/18/20245 min lire


Structurer une stratégie marketing alignée sur les objectifs de l’entreprise : résilience et désir contenu à l’ère de la loi Evin
Quand la contrainte devient matrice de création
Depuis l’adoption de la loi Evin en 1991, le secteur des boissons alcoolisées évolue dans un écosystème où la parole commerciale est cadenassée. Télévision, cinéma, radio, affichage urbain : autant de supports devenus inaccessibles à la publicité. Ce silence imposé, souvent perçu comme une censure, a transformé la dynamique de l’offre. Mais il a aussi redonné au marketing sa fonction originelle : faire sens. C’est moins par des slogans que les marques de whisky, de cognac ou de liqueur existent aujourd’hui que par leur capacité à tisser un imaginaire cohérent.
En trente ans, les volumes de consommation ont chuté de près de 50 % dans les cafés, hôtels et restaurants (source : INSEE et FranceAgriMer). La fermeture de milliers de bistrots de village et la disparition de rituels collectifs ont laissé place à une consommation plus intime, plus réfléchie. Le marketing ne peut plus ignorer cette mutation profonde du lien entre produit, usage et narration.
Entre désir effacé et rareté orchestrée : l’emballage comme dernier messager
Dans un marché privé de visibilité publicitaire, l’emballage est devenu le dernier média légal. Ce n’est pas une simple contrainte esthétique, mais une transformation stratégique de la supply chain. Le choix d’un bouchon ciré, la texture du papier, la forme de la bouteille : chaque détail raconte une histoire en silence. Certaines maisons de cognac l’ont compris depuis longtemps. Martell, par exemple, a réédité des flacons millésimés en série limitée, distribués en duty-free, où le packaging devient œuvre d’art et support de différenciation.
Ce glissement impacte les coûts logistiques et les délais de mise sur le marché. Un packaging haut de gamme impose des fournisseurs spécifiques, un temps de fabrication plus long, une gestion différenciée des stocks. Dans le monde du rhum, l’apparition de coffrets bois ou métal pour des références à moins de 50 euros témoigne de cette montée en gamme de l’expérience client, au-delà du liquide.
Réduction des volumes, augmentation de la valeur
Face à la baisse structurelle de la consommation, les acteurs les plus résilients n’ont pas cherché à compenser par des promotions, mais par la valorisation. Entre 2010 et 2020, la part des spiritueux premium et super premium a progressé de 42 % sur le marché français (source : IWSR). Les marques ont cessé de vendre des litres ; elles vendent du sens, du style de vie, un rapport au monde.
La maison Ferroni, en Provence, a par exemple su développer des séries limitées de rhums vieux, jouant sur la rareté, l’origine des fûts, et une esthétique singulière. À l’inverse, certains industriels qui ont maintenu une approche prix-volume ont vu leur marge s’éroder, sans fidéliser une clientèle déjà volage.
Structurer un récit global: entre production, marketing et supply chain
Le consultant stratégique ne travaille pas en surface. Il entre dans les rouages de l’entreprise, analyse les flux, les arbitrages budgétaires, les logiques de gamme. Il sait que derrière chaque lancement produit se cachent des décisions d’achat, de conditionnement, de distribution. Il éclaire ces décisions par une lecture du marché, non pas conjoncturelle, mais structurante.
Le passage à des formats 50 cl dans certains réseaux, ou le recours à des bouteilles consignées en circuits bio, n’est pas qu’un geste écologique. C’est une réorganisation logistique profonde, qui exige un pilotage stratégique et une coordination étroite entre marketing, production et commerciaux. Chez Castel, à l’époque de la segmentation CHR/GMS, cette logique existait déjà : un même vin pouvait avoir deux noms, deux habillages, deux positionnements, selon le canal de distribution, sans perturber la supply chain. Ce genre d’intelligence opérationnelle manque cruellement aujourd’hui.
Des chiffres pour penser autrement le marché
Il ne s’agit plus de viser des parts de voix, mais des parts de cœur. Selon Nielsen, les consommateurs français de moins de 35 ans sont 68 % à dire que "l’histoire du produit" influence leur choix dans les spiritueux. Cela dépasse le storytelling : il s’agit de générer de la confiance, d’associer l’acte d’achat à un engagement culturel, voire politique.
Le retour des brasseries locales en est l’illustration parfaite. En moins de dix ans, la France est passée de 200 brasseries à plus de 2 000. Ce n’est pas seulement une question de goût, mais de récit : savoir d’où vient ce qu’on boit, connaître le brasseur, associer une bière à une région ou un moment de vie. Ce phénomène inspire désormais les acteurs du cognac et de la vodka artisanale, qui cherchent à retrouver un lien direct avec leurs clients via la vente directe, les clubs privés ou les collaborations créatives.
Vers une croissance sobre et durable
Intégrer la RSE dans une stratégie marketing du spiritueux, ce n’est pas faire du greenwashing. C’est accepter de penser le cycle complet du produit : origine des matières premières, transport, consommation responsable, recyclabilité. Cela suppose d’élaborer de nouveaux indicateurs de performance. Au-delà du chiffre d’affaires, quelle fidélité réelle ? Quel impact image ? Quel taux de réachat dans les 12 mois ?
Certaines maisons ont ouvert la voie. L’entreprise Maison Mounicq, avec ses vodkas de grain issues de l’agriculture raisonnée n'est pas dans la production de masse. Par exemple, le millésime 2017 a été produit à seulement 3 600 bouteilles, tandis que le millésime 2019, vieilli en fût de Fronsac, a été limité à 337 bouteilles. Ces chiffres illustrent une stratégie axée sur la rareté et l'exclusivité, plutôt que sur des volumes élevés mais dispose d’un taux de réachat supérieur à 30 %. Dans un marché atomisé, ce sont ces signaux faibles qui construisent une solidité de fond.
Conclusion : faire émerger une cohérence dans le silence
La loi Evin n’a pas tué la publicité : elle en a déplacé le terrain. Là où l’on criait sur les écrans, il faut désormais murmurer dans les détails. Là où l’on martelait des slogans, il faut maintenant suggérer des mondes. Ce déplacement est exigeant. Il suppose un travail stratégique de haute précision, qui mobilise toutes les composantes de l’entreprise.
Le rôle du consultant n’est pas d’apporter des recettes, mais d’écouter l’ADN d’une maison, de capter les signaux du marché, et d’orchestrer les conditions d’un alignement durable entre promesse, offre, logistique, récit. Ce travail ne s’improvise pas. Il exige une connaissance intime des chaînes de valeur, une capacité à relier les disciplines, et une vraie sensibilité à la transformation des imaginaires collectifs.
Dans un monde où l’ivresse n’a plus droit de cité, c’est la clarté du positionnement qui devient intoxicante.




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