Marketing d'interruption et monde des spiritueux

Découvrez pourquoi le marketing d’interruption nuit à l’image des vins et spiritueux, en particulier dans la région de Bordeaux, et explorez des stratégies digitales plus fluides, respectueuses et performantes pour séduire les amateurs et professionnels du secteur.

MARKETING

Lydie GOYENETCHE

11/12/20245 min lire

Entre terrils et transmission : le marketing d’interruption face à l’esprit du Charbonnay

Dans les Hauts-de-France, la vigne ne pousse pas sur les coteaux de calcaire mais sur les cicatrices du charbon. Elle ne s’élance pas dans la lumière méridionale, mais se fraie un chemin sur les flancs sombres des terrils. Là où les mineurs extrayaient le feu de la terre, des vignerons pionniers cultivent aujourd’hui des ceps de Chardonnay, donnant naissance à une cuvée fièrement nommée : le Charbonnay. C’est plus qu’un vin, c’est un symbole. Celui d’une terre qui se relève sans renier son passé, et qui ne cède jamais à la facilité.

Dans ce contexte, le marketing d’interruption, hérité des vieux réflexes publicitaires, sonne faux. Pop-ups criards, vidéos autoplay ou fenêtres surgissantes ne font pas écho à l’histoire lente, courageuse et humble de cette vigne née sur les ruines du charbon. Ici, on ne vend pas par agression. On propose. On raconte. On laisse l’autre venir.

La dignité dans l’effort, pas dans le spectacle

Charles de Gaulle, enfant de Lille, figure tutélaire des Hauts-de-France, écrivait : "Il n’y a pas de réussite facile ni d’échecs définitifs." Cette phrase pourrait s’appliquer aux vignerons du Nord, mais aussi à la communication digitale qu’ils doivent construire. Ce que les producteurs de Charbonnay incarnent, c’est une éthique du temps long, du travail invisible, de la persévérance silencieuse. Ce qu’ils méritent, ce n’est pas un spot publicitaire bruyant, mais une présence numérique à leur image : sobre, ancrée, exigeante.

Pourtant, certaines plateformes tentent encore de leur vendre des stratégies de visibilité immédiate, avec des bannières clignotantes et des tunnels d’achat tapageurs. Comme si un vin né d’un terril pouvait se vendre comme un soda de grande surface.

L’attention se mérite, elle ne se vole pas

Une étude menée par PageFair montre que 78 % des internautes français utilisent aujourd’hui un bloqueur de publicité. Ce rejet massif témoigne d’une transformation culturelle : le public ne veut plus être interrompu, il veut être invité. Dans le cas du Charbonnay, vendu 55 euros la bouteille en micro-série, toute communication doit refléter la rareté, l’engagement, et la qualité. Un pop-up agressif ne crée pas d’envie : il trahit une méconnaissance du produit.

Une région, une histoire, un récit à hauteur d’homme

Dans les Hauts-de-France, l’histoire ne s’écrit pas en slogans, mais en gestes. Ce qui touche ici, ce n’est pas la promesse de livraison gratuite en 24h, mais le visage d’un vigneron plantant ses pieds de vigne dans la poussière noire d’un ancien terril. Ce qui émeut, ce n’est pas le volume de followers, mais le récit d’un territoire qui renaît.

Le marketing digital des vins du Nord devrait suivre cette trame : une narration respectueuse, des contenus longs, une présence authentique sur les réseaux sociaux, des vidéos tournées en pleine nature, au rythme des saisons. Un SEO local optimisé pour les requêtes de niche – "vin du Nord", "Charbonnay", "vigne sur terril" – peut offrir une visibilité durable, sans jamais avoir besoin de heurter.

Le cadre juridique français : une contrainte... ou une chance ?

Contrairement à d’autres pays producteurs, la France impose un encadrement strict de la communication sur l’alcool à travers la loi Évin. Adoptée en 1991, cette loi interdit toute publicité incitative sur les boissons alcoolisées. Cela signifie : pas de spots télévisés, pas de campagnes à l’américaine où le vin devient synonyme de performance ou de succès social. Toute communication doit se limiter à des informations objectives : cépage, origine, méthode de production, accords mets-vins.

Là où certains voient une entrave, les vignerons des Hauts-de-France peuvent y voir un allié. Ce cadre légal impose de ralentir, de raconter, d’informer. Il rend impossible le tapage, mais rend possible l’écoute. Il empêche le bruit, mais autorise la parole profonde. Cela tombe bien : dans les Hauts-de-France, on n’a jamais crié pour exister. On a transmis.

La stratégie de marque comme fondement

Dès lors, la seule voie durable n’est pas la publicité, mais la construction d’une véritable stratégie de marque. Cela suppose de définir une identité claire : qu’est-ce qu’un vin né sur un terril dit au monde ? Quelles valeurs porte-t-il ? Quelle promesse incarne-t-il, au-delà de ses arômes ?

La marque Charbonnay ne peut pas se vendre comme une étiquette lambda. Elle porte une charge symbolique : celle de la reconversion, du courage, de l’innovation enracinée. Cela demande une cohérence entre le nom, le visuel, la bouteille, le récit, le ton employé sur les réseaux. Cela suppose aussi un travail photographique régulier, des articles de blog sur l’histoire locale, des portraits de vignerons, et une présence dans les salons régionaux pour créer le lien physique.

L’inbound marketing : une alternative cohérente

Plutôt que d’interrompre, il faut attirer. C’est le principe même de l’inbound marketing : mériter l’attention plutôt que la forcer. Cela implique de produire un contenu utile, inspirant, enraciné. Des fiches pédagogiques sur la viticulture du Nord, des vidéos de taille des ceps en hiver, des newsletters sobres mais régulières, sont autant d’outils puissants.

C’est aussi une question de SEO : le contenu bien structuré, publié de manière régulière, avec des maillages internes pertinents, renforce la visibilité organique. Un blog bien tenu peut devenir la première porte d’entrée vers la marque. Là encore, la sobriété prévaut : on ne pousse pas à l’achat dès la première ligne, on accompagne. On laisse l’algorithme et l’intérêt sincère du lecteur faire leur œuvre.

Salons, terroir, rencontres : l’incarnation du message

Pour compenser l’absence de publicité traditionnelle, la présence dans les salons devient stratégique. Non pour y vendre en masse, mais pour y exister, y être reconnu, tisser des liens. Chaque verre servi est une invitation à comprendre d’où vient ce vin improbable, né d’un sol qui avait cessé de donner. Ces salons doivent être filmés, relayés, transformés en matière première pour le marketing de contenu.

Les rencontres réelles doivent irriguer la stratégie digitale. Ce n’est qu’en croisant les témoignages, les photos, les vidéos de terrain, que la marque devient incarnée. La transmission ne se décrète pas : elle se construit, par l’exemple, la répétition, l’écoute.

Conclusion : du charbon à la lumière

Dans un monde saturé de publicités et d’urgences marketing, les vignerons des Hauts-de-France tiennent là une chance rare : celle de ne pas faire comme les autres. De bâtir leur stratégie non sur l’interruption, mais sur l’attention. Non sur l’effet, mais sur le sens. En s’inspirant de figures comme Charles de Gaulle – pour qui la parole engageait, et la discrétion valait honneur – ils peuvent devenir les ambassadeurs d’un autre rapport à la communication : plus humain, plus profond, plus durable.

Ce chemin est exigeant. Il demande du temps, des choix, de la cohérence. Mais il est à l’image du Charbonnay lui-même : inattendu, enraciné, et porteur d’une lumière venue du fond de la terre.