Comprendre le Bruit Intérieur et la Paix Intérieure
Découvrez comment gérer le bruit intérieur et l'hypersensibilité pour atteindre la paix intérieure. Explorez le chemin vers le silence grâce à l'oraison et à l'expérience carmélitaine.
SPIRITUALITEVEILLE SOCIALE
LYDIE GOYENETCHE
12/3/20259 min lire


TDA/H, bruit intérieur et hypersensibilité : comprendre un cerveau en surcharge permanente
Contrairement à l’image simplifiée que l’on se fait souvent du TDA/H, la difficulté majeure ne vient pas seulement du bruit extérieur mais d’un phénomène bien plus intime : le bruit intérieur. Les études récentes montrent que la majorité des adultes atteints de TDA/H décrivent un mental en activité permanente, comme un “flux continu impossible à éteindre”. Selon le CHADD (Children and Adults with ADHD), 72 % des adultes TDAH rapportent une “pensée en mouvement constant”, ce qui constitue l’un des symptômes les plus invalidants mais aussi les plus invisibles. Les travaux de la Cleveland Clinic confirment cette observation, décrivant le TDA/H adulte comme un état où l’esprit produit un “flux cognitif rapide, spontané et non hiérarchisé” même dans un environnement calme.
Ce phénomène est aggravé par l’hypersensibilité sensorielle, très répandue dans le TDA/H mais souvent méconnue. Une étude majeure publiée dans Journal of Attention Disorders en 2020 révèle que entre 60 % et 70 % des adultes TDA/H présentent une hypersensibilité auditive, tactile ou émotionnelle. Cela signifie qu’un bruit soudain, un mouvement dans le champ visuel ou un changement d’ambiance peut surcharger un système nerveux déjà saturé par un flux interne rapide. Ce n’est donc pas seulement le bruit extérieur qui dérange, mais sa rencontre avec un cerveau qui ne parvient pas à filtrer ce qu’il reçoit.
Le TDA/H rend également la gestion du silence paradoxale. Alors que le silence est souvent présenté comme un outil de concentration pour le cerveau neurotypique, il peut être vécu comme une intensification du bruit intérieur pour le cerveau TDA/H. Selon une étude de l’Université de Brown, 80 % des adultes TDA/H disent que les environnements silencieux amplifient la perception de leurs pensées, rendant la méditation classique difficile voire stressante.
À cela s’ajoute un fait essentiel : le TDAH est aussi un trouble de la régulation, pas seulement de l’attention. Le cerveau peine à réguler l’intensité du flux mental, l’impulsivité émotionnelle ou l’excitabilité interne. Le Dr Thomas Brown, figure majeure de la recherche sur le TDAH, décrit ce phénomène comme un “moteur mental activé sans pause”, même pendant les moments où la personne souhaiterait se reposer.
Le passage à l’action devient alors une stratégie naturelle pour calmer ce tumulte interne. Les recherches de l’Université du Michigan montrent que près de 65 % des adultes TDAH utilisent spontanément le mouvement, la parole ou l’action pour réduire la surcharge cognitive. Parler pour “vider sa tête”, ranger soudainement, écrire compulsivement, lancer une conversation impulsive, agir avant de réfléchir, ne sont pas seulement des comportements impulsifs : ce sont des tentatives instinctives de réguler un esprit qui fonctionne en surchauffe. L’action devient un moyen de canaliser l’énergie intérieure, de réduire la pression mentale et de recréer une cohérence interne.
Chez les profils inattentifs, le flot de pensées peut devenir si dense qu’il interrompt l’attention elle-même, créant une sensation de dispersion ou de brouillard. Chez les profils impulsifs ou hyperactifs, le passage rapide à la parole ou au geste permet parfois de mettre fin à cette boucle interne, comme si l’action donnait une forme extérieure à ce qui ne cesse de tourner dedans.
La conséquence, bien documentée par le National Institute of Mental Health (NIMH), est que plus de 75 % des adultes TDAH présentent un trouble de l’attention lié à une hyperactivité interne plutôt qu’externe, ce qui explique pourquoi beaucoup ne se reconnaissent pas dans les descriptions classiques du trouble.
Loin des stéréotypes, le bruit du TDAH est un bruit intérieur, invisible, permanent, intensifié par une sensibilité émotionnelle et sensorielle hors norme. Ce bruit devient un compagnon involontaire, parfois créatif, parfois envahissant, mais toujours présent. Le silence véritable, pour une personne TDAH, n’est pas l’absence de son : c’est un espace où l’on cesse de lutter contre ce flux. Et cela nécessite des approches adaptées, respectueuses de la neurodiversité, et souvent bien différentes des méthodes de concentration traditionnelles.
Du TDAH à l’oraison : quand le silence devient habitation
Découvrir le TDAH tardivement : une clé de lecture spirituelle
J’ai été diagnostiquée TDA à 45 ans, à ma propre demande. Ce jour-là, j’ai compris que ce que je vivais depuis toujours — cette pensée en flux continu, ce mouvement intérieur incessant — n’était pas partagé par tous. Ce diagnostic n’a pas défini mon identité, mais il a éclairé mon histoire intérieure. Il a surtout donné sens à ma manière très particulière d’entrer en relation avec Dieu.
L’oraison : non pas une technique, mais un dialogue
On classe parfois l’oraison dans la prière contemplative, comme une pratique réservée aux esprits calmes. Pour moi, elle a toujours été un dialogue, une nécessité vitale. Comment pourrait-il en être autrement avec un esprit qui ne connaît jamais la pause ?
Le chapelet et le rosaire ont d’abord canalisé mes pensées, mais l’oraison a ouvert un espace plus profond : celui où Dieu vient habiter l’intérieur.
Sainte Thérèse de Jésus décrit l’oraison comme un acte de familiarité simple et brûlant :
« La oración mental no es otra cosa sino tratar de amistad, estando muchas veces tratando a solas con quien sabemos nos ama. »
(Libro de la Vida, cap. 8, 5)
Dans ces mots, j’ai compris que l’oraison n'était pas un exercice de silence, mais une relation vivante.
Le recueillement thérésien : être attirée vers son propre centre
Avec le temps, j’ai reconnu dans mon expérience ce que Thérèse appelle “el recogimiento”, une grâce où l’âme semble se regrouper doucement en elle-même. Mais elle ne peut le faire de Son propre chef, c’est le Seigneur Lui-même qui l’attire, l’enveloppe et la place dans cette Demeure nuptiale. Thérèse écrit : « Es un recogimiento suave que parece que el alma se va retirando de los sentidos exteriores y se recoge dentro de sí. »
(Moradas, Cuartas, 3)
Au début, l’âme aime avec tout ce qu’elle est, y compris son agitation. Mais bientôt, ce n’est plus elle qui fait l’effort : elle se sent aimée, attirée vers un centre intérieur où une présence l’attend. D’ailleurs bien des fois j’ai voulu rejoindre ce centre, ce lieu où mes pensées et mon être sont rassemblées dans l’unité, la simplicité de la Présence dans le berceau du coeur de la Trinité, mais il s’agit d’une grâce dont on ne peut forcer l’entrée, mais seulement se disposer.
Jean de la Croix : le silence au centre de l’âme
Jean de la Croix décrit parfaitement ce lieu intérieur où Dieu agit dans un silence si dense qu'aucune agitation n’y a prise. Il écrit dans la Subida del Monte Carmelo : « Dios es silencio para el alma, y en el silencio habla al corazón. »
Et dans la Noche Oscura:
« En silencio y en esperanza será vuestra fortaleza. »
Ces phrases disent ce que j’ai vécu : un silence qui n’est pas absence, mais présence ; non pas une performance mentale, mais une habitation. Comment dire, dans un cerveau comme le mien, car je ne peux pas voir votre cerveau ou votre intériorité, rien que la densité du silence et cette pacification intérieure de tout y compris de mes réceptions sensorielles, c’est déjà être en Sa Présence et c’est bien Sa Présence qui permet le silence des « puissances », enfin dans mon cas mes puissances me rendent parfois impuissantes ou inattentives… Bref il ne s’agit pas ici de réciter un mantra, de faire de la méditation, du yoga ou du rebirth pour faire silence et trouver la Paix, il suffit que je me tienne en Présence de l’être Aimé et me laisser aimée.
Le “torrent intérieur” : Thérèse d’Avila en avait déjà parlé
Bien avant que la neuropsychologie moderne ne parle de flux de pensées, de distractibilité ou d’hypersensibilité cognitive, Thérèse d’Avila décrivait déjà cet intérieur tumultueux où l’âme ne parvient pas à se reposer. Elle connaissait l’agitation, le bruit interne, les pensées qui se bousculent. Dans le Libro de la Vida, elle écrit : « El pensamiento es un loco que no hay quien le sujete. » (Vida, 12, 1) — « La pensée est un fou que personne ne peut maîtriser. »
Ailleurs, elle parle de ces moments où l’esprit se disperse malgré tous les efforts : « Muchas veces parece que se alborota el alma y no sabe una de dónde viene aquel movimiento. » (Vida, 30, 17)
— « Souvent l’âme semble toute agitée, et l’on ne sait d’où vient ce mouvement. »
Et encore : « Es como un torrente que lleva consigo cuanto halla. » (Camino, 28, 5)
— « C’est comme un torrent qui emporte tout sur son passage. »
Cette expression — « un torrente » — correspond avec une exactitude bouleversante à ce que vivent tant de personnes avec un TDA ou TDAH : une vie intérieure qui ne se tait pas, qui déborde, qui entraîne, qui bouscule. Non pas un calme naturel, mais un mouvement constant que rien ne semble pouvoir arrêter.
Mais pour Thérèse, ce torrent n’est pas un obstacle à Dieu. Au contraire : « Aunque el alma esté alborotada, Él está dentro. » (Vida, 40, 8) — « Même si l’âme est agitée, Lui, il est au dedans. »
Ce qui rejoint exactement mon expérience : le silence intérieur n’est pas l’absence d’agitation, mais la présence d’un Autre qui descend dans ce tumulte pour faire place, ouvrir un centre, et transformer ce qui semblait incontrôlable.
Le centre intérieur : là où la Trinité habite
Dans le recueillement plus profond, il ne me restait presque plus rien de la perception habituelle de moi-même. Je percevais uniquement deux réalités : la Trinité et les semences du Verbe dans son essence-même. C’est là où en effet, ce type de grâce peut être classée dans la catégorie de la contemplation.
Le silence n’était pas un vide, mais une épaisseur d’amour, un tissu vivant de présence. C’était un silence qui écoute, un silence aimant, un silence habité. L’âme y est unie directement, presque naturellement, à la Trinité, comme si ce centre profond avait toujours été là, en attente nous accueillir. Il paraît qu’on l’a tous reçu par le baptême, et que de ce fait ce chemin est possible pour tous. D’autant que Celui qui parcourt le chemin le plus long et le plus périlleux pour atteindre ce centre ce n’est pas vous mais Lui.
Ce silence intérieur n’est pas le fruit d’une technique, ni d’une discipline parfaite, ni d’une concentration héroïque — ce qui serait impossible pour un cerveau TDAH. Il est le fruit d’une relation.
Élisabeth de la Trinité en parlait d’une manière lumineuse : « Je trouve le ciel dans mon âme, puisque le Ciel, c’est Dieu, et Dieu est dans mon âme » (Dernière Retraite). Pour elle, l’âme est « la demeure de Dieu », un sanctuaire intérieur où la Trinité habite réellement.
Ce silence intérieur n’est pas le fruit d’une technique, ni d’une discipline parfaite, ni d’une concentration héroïque — ce qui serait impossible pour un cerveau TDAH. Il est le fruit d’une relation. Ce n’est pas la méthode qui apporte le repos, mais la présence de Dieu qui descend dans notre propre agitation et y crée son espace. C’est une habitation, pas une construction.
Conclusion : quand le TDA/H devient lieu de rencontre et non obstacle
Rien, dans ce que vivent les personnes avec TDA ou TDAH, ne les éloigne de la vie intérieure. Le flux continu de pensées, l’hypersensibilité sensorielle, les surcharges émotionnelles ou l’incapacité à « faire le vide » ne sont pas des barrières infranchissables : ils deviennent parfois le lieu même où Dieu descend. Là où d’autres cherchent le silence comme une performance, nous le recevons comme un don, un envahissement d’amour qui pacifie sans jamais écraser.
L’oraison n'est pas l’art d’être calme, mais l’art d’être vrai. Jean de la Croix disait que « Dieu se communique à l’âme selon son mode propre » — et notre mode propre porte une intensité, une vitesse intérieure, une forme de lucidité et de vulnérabilité qui deviennent, entre ses mains, des chemins plutôt que des obstacles. Élisabeth de la Trinité rappelait que « tout est transformé en amour » lorsque la présence divine prend possession du centre intérieur.
Ce que beaucoup appellent « silence intérieur » n’est pas la disparition des pensées, mais leur transfiguration. Un silence plein, dense, habité. Un silence qui n'a rien d’un exercice technique, mais tout d’un accueil. Le TDA/H ne supprime pas la possibilité de ce silence : il creuse plutôt un terrain où la Grâce peut venir faire son œuvre de manière encore plus radicale, parce qu’elle rejoint une agitation réelle, quotidienne, profonde.
Si j’ai voulu écrire ce témoignage, c’est parce qu’il existe peu d’espaces où l’on parle de la vie intérieure à partir de ces réalités neuropsychiques. Pourtant, elles concernent des millions de personnes. Et beaucoup se croient incapables de prier, de méditer, de contempler, simplement parce que leur cerveau fonctionne autrement.
Il n’y a pas d'« incapacité spirituelle » liée au TDA/H. Il n’y a que des chemins singuliers.
La vie d’oraison n’est pas réservée aux esprits ordonnés, aux tempéraments calmes ou aux cerveaux linéaires. Elle se donne aussi — et peut-être même d’une manière unique — à ceux dont l’intérieur est torrentiel. Là où il semble impossible de tenir, Dieu crée un espace pour demeurer. Là où les pensées affluent, il installe sa paix. Là où l’on se croit dispersé, il rassemble au centre. La petite Thérèse prenait l'image de l'Ascenseur pour montrer combien le Seigneur nous aidait à faire le chemin vers Lui avec notre petitesse. Voici encore un autre témoignage qui renforce le témoignage de la petite Thérèse et renverse l'image qu'on peut avoir de Celui que les croyants appellent "Dieu".


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